20200413

[Nage en eau douce]


Avant que je dérive vers Charybde, le temps était plutôt clair.
Oui il y avait eu des pluies, des orages.
Mais je parvenais à pagayer, à avancer sans trop de mal. 
Je pleurais pendant les pluies, je criais pendant les orages.
Même le courant ne voyait rien, il me portait ni vu ni connu.
Sauf que bon, le monde n'est pas aveugle.
A force de pagayer dans cette société, je devenais comme elle.
Plus le temps passait plus je perdais cette connexion à soi que j'avais commencé à construire, 
ce désir réel d'être authentique et en accord avec le monde et soi.

A moins être ancrée, à me faire voler mon équilibre et mon envergure, 
c'était la chute assurée. 

Même si c'est moi qui ai préféré sauté tellement c'était instable,
je n'avais pas assez d'air pour tenir en apnée jusqu'à reprendre mes esprits. 

Alors je me suis noyée. Tout simplement.
Noyée dans une eau trouble inbuvable et toxique.
Il a fallu attendre que tout cela décante.
Que l'eau s'oxygène à nouveau 
et qu'enfin je puisse sortir prendre un nouveau souffle.

J'ouvre les yeux sur le lac. 
Il n'y a plus personne
Je me retrouve seule dans ce lac, sans planche ni pagaye.
Je nargue l'eau du bout du nez. 
Parfois les éclaboussures me piquent les yeux, je suis encore un peu allergique.
Toutes les toxines ne se sont pas évaporées. 
Et même certaines persisteront.

Peu à peu je retrouve de l'aisance
Je trouve mon équilibre, une stabilité
de l'amour, de la bienvaillance, 
je croise d'autres êtres vivants
qui viennent barboter avec moi
Je ne suis pas seule

Aujourd'hui j'ai eu envie de toucher le fond avec mes pieds.
Histoire de voir si je peux me poser un peu, reposer mon corps,
m'appuyer sur des bases

J'ai pris une respiration et j'ai plongée dans le passé.
J'ai remué doucement le fond.
Et j'ai remonté en surface des éléments oubliés.

Ces vapeurs d'hier me montrent au combien j'ai déjà construit, ô combien j'ai avancé.
Nue dans cette eau douce, 
je réalise que la vie se poursuit et que je suis dotée de compétences invisibles, 
que même nue mon envergure est plus grande qu'autrefois

autrefois j'avais pourtant une pagaie
mais je ne savais pas comment me ressourcer
La pagaie sert simplement à aller plus loin, en s'épuisant moins.
Sans équilibre, sans envergure, c'est la chute. 
C'est ce qui m'est arrivé. 

Je vois les poussières virevolter face à moi
Tout va bien, vous faites partie de mon histoire
Vous êtes peu à peu filtrées avec le temps
Comme un pardon que je m'offre, une chance d'avancer sans encombres.

Il est temps d'user de mon équilbre nouveau pour tenir dans cette eau douce.



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